Planète Glace: "Himalaya"
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-- ref
- L'Himalaya est le royaume des plus hauts sommets de la Terre.
Cette chaîne de 2400km est ornée de 15000 glaciers.
Plusieurs pays dépendent d'eux pour alimenter les cours d'eau et irriguer les champs.
Mais ces mastodontes ne sont pas immuables.
Dans les Andes, les Alpes et aux pôles, notre planète glace a parfois perdu 40% de son volume depuis à peine 30 ans.
Des villages sont parfois privés d'eau, et des lacs glaciaires menacent certaines populations de montagne.
Les glaciers de l'Himalaya sont les moins étudiés.
Pour certains scientifiques, il est urgent d'évaluer l'impact du réchauffement climatique sur les glaciers les plus élevés de la planète.
Des recherches qui obligent à travailler dans des conditions difficiles.
- Demain, on prend la trace de la voie normale du Mera ,
on fait une pause au camp haut, on continue jusqu'à 6400, quasiment jusqu'au sommet, et on installe une station météo.
- Les alpinistes restent au sommet le temps de la photo.
Là, il va falloir rester plusieurs heures à travailler.
C'est surhumain.
- A Katmandou a lieu une exposition sur le réchauffement planétaire,
présidée par David Breashears, qui a atteint le sommet du mont Everest à 5 reprises.
- Ma première ascension de l'Everest date de 1983.
Quand je l'ai gravi à nouveau en 2004, c'était une autre montagne : moins de glace, moins de neige... Et c'était plus sec.
- Inquiet pour les glaciers, l'alpiniste a développé un système pour documenter certaines parties de la chaîne himalayenne.
Des preuves pour tâcher de confirmer la métamorphose qu'il a observée.
- Un regard aiguise remarquera que cette ligne rocheuse est juste ici, sur l'autre photo.
- En un siècle à peine, voilà une comparaison qui en dit long sur l'ampleur de la fonte du glacier.
- Ce sont les montagnes les plus élevées du monde. Beaucoup de regards se tournent vers l'Himalaya à cause
La neige et la glace sont intrinsèquement liées à ces montagnes.
L'Himalaya est le royaume de la neige.
- Les glaciers de l'Himalaya sont-ils en voie de disparition?
Cette question passionne le glaciologue Patrick Wagnon, qui s'est établi à Katmandou pour se rapprocher de son sujet d'étude.
Il s'envole avec son équipe de l'Institut de recherche pour le développement.
Ils vont accomplir leur mission dans les conditions éprouvantes de la haute altitude.
- Peu de gens ont travaillé sur ces glaciers, d'où l'intérêt de venir travailler ici.
Ces glaciers sont intéressants pour plusieurs raisons: ils recouvrent des surfaces très importantes...
La chaîne himalayenne, c'est 70000km carrés de glaciers.
C'est la plus large surface glaciaire après le Groenland et l'Antarctique.
Mais ici, on est tout près des populations. Il y a l'Inde, la Chine, deux pays immenses juste à côte.
La chaîne himalayenne les sépare et alimente en eau des régions entières de ces pays, qui sont très densément peuplées.
Comprendre le fonctionnement de ces glaciers est intéressant pour les populations en dessous.
- Première étape, la ville de Lukla , point de passage obligé pour se rendre dans la région de l'Everest.
A 2860m d'altitude, cet aéroport est particulièrement dangereux.
Seuls les pilotes expérimentés empruntent sa piste, nichée au coeur d'une vallée de hautes montagnes.
- T'as vu, on change de température, là. Ici, il fait chaud !
- Les scientifiques sont arrivés avec 400kg de vivres et de matériel.
Avec leurs porteurs, maillons essentiels de l'expédition en Himalaya, ils vont marcher 5 jours pour atteindre le camp de base du mont Mera, à 6500m d'altitude.
Dès demain, ils franchiront un col à 4500m.
Tout un défi, avec un temps d'acclimatation limité.
- Mets de la crème. Allez, c'est parti...
C'est pas comme dans les Alpes ou les Andes.
Les glaciers sont loin, à plusieurs jours de marche.
Comme les montagnes sont difficiles d'accès, c'est un défi scientifique aussi bien que sportif.
Il faut être entraîné et aimer le milieu dans lequel on évolue. C'est la base.
Patrick Wagnon n'est pas le seul à se passionner pour les glaciers du toit du monde.
Le géographe Alton Byers accomplit une expédition qui doit le mener au
glacier Imja
dans le nord de la vallée du Khumbu .
- Il y a 40 ans, je marchais sur ce même chemin. J'avais 21 ans, j'étudiais dans le Colorado.
J'étais venu 6 mois au Népal pour faire des recherches.
Et cet endroit était vraiment vraiment différent.
- Dans la région, les touristes sont passés de quelques dizaines en 1970 à près de 40000 par an, de nos jours,
amenant avec eux un nombre croissant de porteurs.
Cette affluence a accéléré le développement économique et créé de sérieux problèmes écologiques.
- Cette eau était potable, mais avec la multiplication des auberges sans fosse septique, elle est contaminée.
On ne s'en sert plus que pour la lessive.
Les sources potables disparaissent en raison des précipitations irrégulières, conséquence des changements climatiques.
- Les villages des environs se sont toujours fiés aux sources des montagnes pour leur besoin en eau potable.
Avec le tourisme, les autorités se tournent vers les glaciers.
- Les glaciers sont un pari plus sûr que les sources d'eau, qui s'assèchent partout dans la vallée.
- A quelques kilomètres, le glacier du Kyajo .. alimente un lac dont l'eau sera acheminée à flanc de montagne grâce à un pipeline installe au prix de grandes difficultés.
- Ça donne une idée des mesures extrêmes appliquées de nos jours, même dans les pays en développement, pour faire face au changement climatique.
- Mais de tels investissements sont-ils vains, compte tenu de la menace qui plane sur les glaciers ?
Dans l'Himalaya, le débit variable des cours d'eau est un problème pour les centrales hydroélectriques, qui n'arrivent plus à répondre aux besoins des populations.
A Katmandou, des interruptions de service quotidiennes soumettent le réseau de distribution électrique à rude épreuve.
90% de l'électricité du pays provient des fleuves et des rivières.
Une grande partie de cette eau résulte de la mousson.
La chaîne himalayenne est si colossale qu'elle stoppe les vents chauds saturés d'humidité qui arrivent de l'Inde.
de gigantesques nuages se forment, et des précipitations s'abattent sur la base des montagnes.
En altitude, la neige tombe abondamment près des sommets, ce qui réapprovisionne les glaciers.
Comment évoluent-ils, soumis à la fois à la mousson et au réchauffement climatique ?
C'est la question à résoudre pour l'équipe de Patrick Wagnon.
Depuis Lukla, ils ont marché deux jours et sont redescendus à 3500m, dans la vallée qui les mènera au mont Mera.
En plus de l'impact du réchauffement climatique sur les glaciers, d'autres questions préoccupent le glaciologue Christian Vincent.
- Nombre de questions scientifiques m'intéressent, dans l'Himalaya.
Il y a beaucoup de risques d'origine glaciaire liés aux lacs proglaciaires, à proximité des glaciers,
qui risquent de provoquer des ruptures et des vidanges brutales.
Là, on est dans l'Hinku Valley, à mi-chemin à la marche d'approche entre Lukla et le glacier du Mera.
C'est une vallée particulière, car en 98, le lac Sabaï Tsho
juste au-dessus du village où on arrive, a provoqué une lave torrentielle.
- Le 3 septembre 1998, le village de Tangnag est dévasté par une débâcle glaciaire.
- On a très peu d'information sur la rupture.
On a une photo qui montre le début de la vidange.
- La catastrophe a été immortalisée par un des rares témoins, qui vit toujours sur place.
- Tôt le matin, il y a eu un grand bruit, comme un avion ou une tempête.
Et nous avons vu, en haut, de l'eau arriver, comme un nuage.
J'ai crié à mes frères : "Courez à l'abri"
- Après, des blocs de glace, oui.
Suite au glissement de terrain, nous avons vu d'énormes blocs de glace dans le lac.
- Ça semble confirmer qu'une chute de sérac a provoqué la vidange du lac.
Ensuite, c'est une vague qui a submergé la moraine.
- En gravissant les éboulis, les scientifiques se rendent sur la moraine qui retenait jadis le lac.
- Avant la catastrophe, le lac devait être gigantesque.
C'est incroyable, ce qu'on voit.
- Le niveau de l'eau atteignait une ligne de démarcation qu'on peut encore percevoir sur le flanc opposé.
La vidange brutale a abaisse le niveau d'eau de plusieurs dizaines de mètres.
- Ces moraines, ce sont des tas de cailloux qui sont apportés par le glacier.
Quand le glacier recule, ça forme une cuvette.
Là où l'eau s'accumule, le niveau augmente, et il peut y avoir un danger.
C'est vraiment un cas d'école pour expliquer ce qui se passe en Himalaya.
- Ce jour-là, deux personnes trouvèrent la mort dans la vallée.
Une quarantaine de débâcles glaciaires ont eu lieu dans la chaîne himalayenne depuis les années 30.
C'est pourquoi des investigations sont menées sur le lac Imja, perché en haut de la vallée du Khumbu, afin de savoir s'il risque de se vidanger.
Au camp de base du lac Imja, Alton Byers a rejoint son collègue, l'ingénieur Daene McKinney, qui entame ses recherches à plus de 5000m d'altitude.
Les chercheurs n'en reviennent pas.
A peine 4 mois se sont écoulés depuis leur dernière visite ici.
Pourtant, beaucoup de glace s'est détachée du glacier, éparpillant des icebergs à la surface du lac.
Le lac est au pied des glaciers Imja, Lhotse Shar et Ambulapcha.
3 géants susceptibles de déclencher un raz de marée dévastateur.
- Ici, vous avez les montagnes avec le glacier Imja en contrebas.
Le glacier s'effondre progressivement dans le lac, ce qui en augmente le volume, accroissant aussi la pression sur la moraine qui le retient.
Une chute de sérac ou un séisme pourraient causer une inondation mettant en péril la vie des habitants de la vallée.
- A Khare, à 4900m d'altitude, la nuit a été rude pour l'équipe de Patrick Wagnon.
Le manque d'oxygène se fait sentir.
- Tu as ronflé en russe !
Je t'assure !
- Toi, tu as dormi ?
- Pas trop mal, oui. Ce qui se profile ?
Un thé chaud. On prépare nos affaires, on va déjeuner...
Ce sera quoi? Pancake ? Puis on va marcher. Dernier jour de marche, jusqu'au Mera.
Et on s'installe pour enfin travailler.
- 1500m de dénivelé séparent les grimpeurs de leur objectif. Tout un défi
- Le glacier va de 5000m d'altitude C'est important de comprendre ce qui se passe à différentes altitudes.
il y a des conditions météo particulières, au sommet, qu'on va tenter de mesurer, qui contrôlent l'évolution du glacier dans la partie haute.
On pourra interpréter le glacier comme un indicateur du climat.
- Les chercheurs s'approchent de la zone où il n'est pas possible de vivre sur une période prolongée pour l'humain.
Ils respirent moins de 50% de l'oxygène auquel ils sont habitués quotidiennement.
L'équipe de recherche du Imja passe à la vitesse supérieure.
Un sonar va mesurer précisément la profondeur du lac, et donc son volume d'eau.
Ce zodiac a été monté ici, par les porteurs népalais, essentiels pour toutes les recherches menées dans ces régions.
- On ne s'attendait pas à ça.
On doit briser la glace avant de pouvoir pagayer.
C'est ça, la vie à 5000m !
- Dirigez-vous vers la gauche de ces icebergs.
- N'approchons pas trop la glace. Ça pourrait percer le zodiac.
- En 2001, d'autres scientifiques avaient estimé le volume d'eau à 35 millions de mètres cubes, et mesuré une profondeur maximale de 92m.
- Il est plus profond que ce qu'on croyait.
Plus de 100...
- Plus de 100! Waouh !
C'est le plus gros morceau de glace que j'aie vu se détacher.
- On constate ici des changements plus rapides que partout ailleurs.
C'est du réchauffement climatique en temps réel.
- En 10 ans, le volume du lac à plus de 60 millions de mètres cubes d'eau.
La surface est 40 fois plus grande qu'en 1963, soit plus d'un million de mètres carrés.
Serait-il possible d'abaisser le niveau du lac ?
Pour le savoir, il faut réaliser une échographie de la moraine qui retient le lac.
- Rouge sur le rouge.
- Regarde de temps en temps pour savoir où on en est.
Tu reçois le signal ? OK!
- Il pourrait y avoir de la glace dissimulée dans les profondeurs de la barrière naturelle.
- On tente de savoir où se trouve cette glace.
Pour abaisser le niveau du lac, il nous faudra percer une ouverture dans la moraine.
Mais percer la glace risque d'affaiblir la moraine et de déclencher une inondation.
- L'analyse a révélé la présence assez importante de glace dans la moraine.
Forer serait périlleux.
D'autres études seront nécessaires avant de vidanger le lac sans risquer de causer une débâcle.
Au terme de 5 jours d'efforts, Patrick Wagnon et son équipe sont arrivés au camp de base du mont Mera, à 5400m d'altitude.
La 1ere journée en haute altitude est consacrée à relever les données d'une des deux stations météo qu'ils ont installées ces dernières années.
Elles constituent un maillon essentiel de leurs recherches.
- C'est pas mal, comme bureau !
C'est une centrale d'acquisition automatique.
Toutes les 20s, on a une mesure des variables météorologiques.
Humidité, température, vitesse de vent, rayonnement solaire, rayonnement infrarouge de l'atmosphère et hauteur de neige.
Là, je note juste la hauteur des appareils, puis je collecte les données.
- Selon certaines études, les glaciers himalayens sont en recul global, ce qui peut entraîner une modification de la disponibilité de l'eau dans les régions qui en dépendent.
Mais cette hypothèse ne pourra être validée tant que les scientifiques n'auront pas accumulé des données de qualité.
- Certaines équipes ont travaillé sur des glaciers plus petits qui culminent à 5800.
Ces glaciers bas en altitude sont en déséquilibre avec le climat.
Ils sont destinés à disparaître. Un glacier comme ça se régénère chaque année.
On pourra donc le suivre sur le long terme, et il est représentatif des glaciers d'Himalaya, qui ont leur source haut en altitude.
- Les glaciers s'écoulent sans cesse sous l'effet de la gravite.
La ligne d'équilibre est la limite entre la zone élevée du glacier, où il gagne de la masse, et la zone plus basse, où il perd de la masse.
- Ici, on est sur la partie basse, la "zone d'ablation" du glacier, où le glacier perd plus de masse dans l'année qu'il n'en gagne.
Il y a plus de fonte que de neige accumulée.
On mesure cette fonte.
- 100m plus haut, Christian et Aubry mesurent la variation d'épaisseur du glacier.
Ils ont peu de jours pour arpenter une grande surface.
Ils utilisent un GPS différentiel qui donne la position relative d'un point précis sur le glacier par rapport à un point fixe installé hors glacier.
- Ce sont des mesures centimétriques pour avoir les variations d'épaisseur du glacier.
Sur l'ensemble du glacier, ça nous donne le bilan de masse global.
D'autre part, on peut calculer des flux de glace, et donc comprendre le comportement du glacier, comment il s'écoule, et s'il est loin ou proche d'un état d'équilibre.
- L'étude des bilans de masse a permis de savoir que bien des glaciers se trouvant à des altitudes plus modérées que le Mera étaient menacés.
Ceux qui se jettent dans le lac Imja pourraient être en perte d'équilibre.
Pour étudier ce phénomène, A. Byers poursuit ses recherches près du lac, en hiver,
accompagné d'une scientifique de l'université Colorado Boulder, Ulyana Horodyskyj.
- Mon travail consiste à regarder comment les lacs glaciaires évoluent.
J'ai des caméras à intervalles, je mesure le rayonnement solaire, la température de l'eau et de l'air, pour comprendre les paramètres physiques qui influencent
la formation des lacs et leur évolution.
- Les scientifiques entreprennent une marche dans une des vallées qui longent l'imposante moraine du lac Imja.
Le chemin est couvert de poussière de roche érodée, aussi appelée "farine glaciaire".
Ceci témoigne de la puissance du géant de glace qui s'écoulait ici autrefois.
Même au coeur de l'hiver, le glacier du Imja continue de perdre de la masse.
Des icebergs tapissent le lac.
- C'est dans la zone d'accumulation, là-haut, où on voit cette glace propre, que le glacier se nourrit.
Cette glace regenère le glacier continuellement.
Le problème, c'est ce front d'ablation. La masse gagnée au niveau de l'altitude ne suffit pas.
Le glacier perd du volume plus qu'il n'en gagne.
Il s'effondre dans le lac. Tous ces icebergs proviennent du glacier.
Ils vont rapidement se changer en eau.
- La fonte accélérée s'explique par le réchauffement climatique.
Mais d'autres facteurs entrent en jeu.
- L'épaisseur des débris aussi entre en compte.
Sur le glacier Imja, la couche de débris est mince : elle absorbe la chaleur et contribue à la fonte de la glace.
- Autre cause importante : l'accumulation d'eau de fonte sur la surface des glaciers.
Ceci forme de petits lacs entourés de murs de glace qui s'érodent
- Ces murs de glace peuvent s'affaisser et fondre, ce qui favorise la création de petits lacs de plus en plus importants.
Je cherche à comprendre à quelle vitesse ça se produit.
Avec les prises de vue accélérées, on peut voir les murs de glace s'effondrer.
- Les chercheurs ont repéré l'entrée d'une grotte.
Ils décident de l'explorer. Ce qui implique une excursion sur la surface semi-gelée du Imja.
- Beaucoup d'eau a circulé dans ce tunnel. La preuve: le sol est couvert de fines particules déposées par l'eau du glacier.
Mes images accélérées montrent que le niveau des petits lacs de surface varie énormément.
Il doit exister des connexions à l'intérieur des glaciers.
Je crois qu'il s'agit de siphons naturels.
Quelque chose se produit à la surface du glacier, comme une fissure qui s'ouvre.
Alors l'eau s'écoule dans un tunnel comme celui-ci, pour éventuellement rehausser le niveau d'un autre lac en aval.
- La technique d'imagerie utilisée par David Breashears lors de son survol du lac Imja permet d'imaginer une débâcle glaciaire dans la vallée du Khumbu.
- Si ce lac grandit au point de briser sa moraine terminale, juste ici, cela pourrait provoquer une débâcle glaciaire.
Les eaux pourraient dévaler la pente et menacer les habitants du village de Dingboche et ceux plus bas dans la vallée.
Faudra-t-il un jour déplacer les populations du Khumbu ?
Il n'est pas impossible que l'expansion du Imja puisse un jour servir la population du Dingboche, si les scientifiques parviennent à contrôler la vidange du lac.
Une petite centrale hydroélectrique construite à proximité pourrait convertir l'énergie contenue dans le lac en un bienfait pour la population.
sur le mont Mera, après 3 jours de labeur, c'est mission accomplie pour Christian et Aubry.
Le défi a été difficile, en raison de la mousson particulièrement forte qui a laissé une épaisse couche de neige en haute altitude.
- On est crevés, épuisés. On a marché toute la journée jusqu'aux mollets, aux genoux...
Voilà... Là, c'est fini.
- Au camp de base du mont Mera, il reste à peine 18 heures avant que l'équipe fasse une 1ere tentative vers le sommet.
Avant cela, Patrick Wagnon va monter à 5800m pour accomplir un carottage et mesurer la quantité de neige accumulée au cours de la mousson dans la partie haute du glacier.
- On est dans la zone d'accumulation du glacier. La zone haute, à 5800m, où le glacier se régénère.
Il accumule de la neige. On veut savoir combien il en accumule, chaque année, en divers sites.
Là, j'ai ce qu'on appelle une carotte, un cylindre de neige.
J'ai juste à couper des cylindres parfaits et les peser pour avoir la densité.
- La taille et la masse de chaque morceau de carotte permet de déterminer son équivalent en eau.
- A mesure que la neige s'enfonce, elle se tasse. A partir de 20m de profondeur, elle se transforme en glace.
C'est ce qui donne la glace du glacier, qui va ensuite s'écouler le long de la pente.
aux mesures d'accumulation donneront un chiffre clé, sorte de bilan de santé du glacier.
On saura ainsi si le glacier a gagné ou perdu du volume au cours de la dernière année.
le glaciologue Patrick Ginot creuse l'épaisse couche de neige accumulée par la mousson.
- On est dans un environnement qui nous semble super propre.
Mais on a des concentrations de poussière très élevées, et surtout des concentrations de suie, de "black carbon", qui se déposent juste avant la mousson,
ce qui aurait un impact sur la fonte
- Cette neige sera analysée en laboratoire pour en connaître la composition chimique.
- Les masses d'air remontent le bassin indien et les vallées himalayennes.
On a des concentrations largement supérieures à ce qu'on peut mesurer au centre de Grenoble pendant un pic de pollution.
- Malgré la fatigue, Christian et Aubry ont accompli une ultime journée de mesures de l'épaisseur du glacier, à plus de 5800m.
Et pourtant, le plus dur reste à faire.
- Bon... J'en ai marre. Aujourd'hui, ça aurait dû être une journée de repos.
Pour moi, ça aurait été bien. Je me suis pas remis d'hier.
Ce qu'on fait est un peu surhumain.
Dans l'équipe, on a un surhomme, mais c'est tout.
Donc, c'est pas assez.
On n'arrive pas à suivre le surhomme.
Mais heureusement qu'il est là, sinon, je sais pas ce qu'on ferait.
Il est parti avec le carottier.
Il en avait plein les mains!
Il aurait fallu que je lui prenne un truc...
J'avais plus la force.
- Une courte nuit sépare les grimpeurs de leur objectif final sur le mont Mera, le plus laborieux.
- Donc... Je suis un peu inquiet.
Il faut espérer qu'il fasse beau, qu'il n'y ait pas trop de vent...
Si les conditions sont difficiles au niveau météo...
Je crains qu'on ait des difficultés pour faire ce qu'on veut faire. Surtout qu'on a beaucoup de choses à faire, à 6400...
- Demain, l'objectif, c'est d'installer une station météo à gauche du sommet central.
Il fait une espèce de mamelon. L'idée, c'est de partir à 4h du matin depuis le camp de base avec deux sherpas, et on va tous porter du matériel.
On aura plusieurs choses à faire...
Ça va représenter 5 ou 6 heures de travail à 3 ou 4.
Il faut du beau temps et tout faire dans la journée, sinon, on sera obligés de remonter.
Et y a plus de 1000m de dénivelé pour arriver là-haut...
- Vers 8h, un 1er sherpa de haute altitude arrive au sommet, bientôt suivi de Patrick Wagnon et de Patrick Ginot. 1h plus tard,
Christian Vincent pointe courageusement à l'horizon.
- J'ai cru que je n'y arrivais pas et que je faisais demi-tour.
Même Patrick a souffert un peu, je crois.
Donc, bon...
Je vais prendre acte, et vu mon grand âge, c'est des choses peut-être hors de ma portée, maintenant.
Aubry arrive, elle est pas très loin.
J'ai veillé à ce qu'elle ait pas froid aux pieds et aux mains, c'est le plus important.
Il faut veiller à pas se geler les extrémités.
C'est vite fait, ici !
- Bravo ! Viens boire quelque chose.
- Bon !
La récompense est là !
Punaise ! Je bois un coup...
- Et maintenant, il faut travailler!
- Les glaciers, ici, c'est des climatomètres, comme partout dans le monde.
Si on comprend les processus qui contrôlent leur évolution, on comprend mieux le climat, on peut faire des projections en termes de ressources en eau...
Selon où on se situe dans la chaîne himalayenne, c'est diffèrent si on est dans le sud-est, soumis à la mousson...
C'est ici, le Népal, le Bhoutan...
Que les glaciers soient petits ou gros, en termes de ressource en eau, il y a peu d'impact.
Car une grande partie de l'eau arrive pendant la mousson.
Mais dans la partie nord-ouest de la chaîne, vers le Korakorum, tout le bassin de l'Indus, c'est diffèrent, car on a souvent des étés assez secs.
La fonte des glaciers approvisionne donc en eau des zones irriguées.
Les populations dépendent de cette eau pour l'agriculture, l'eau potable, l'hydroélectricité...
Faire des prévisions sur l'évolution de ces glaciers a donc un impact sur la population.
- Il aura fallu 8 heures à l'équipe pour assembler cette station météo parmi les plus élevées du monde.
Les données qu'elle fournira permettront de mieux concevoir l'avenir des glaciers de l'Himalaya et de mettre en relief l'impact du réchauffement,
ici et ailleurs dans le monde.
Selon les dernières études, les glaciers de l'Himalaya auraient perdu 10 fois moins de masse que ce que l'on croyait dans les années 90.
Le toit du monde a fondu, mais la perte de glace a été largement compensée par de nouvelles chutes de neige ensuite transformée en glace.
Mais le recul des petits glaciers dans les vallées d'altitude moyenne semble irréversible.
- Au cours des 40 ou 50 dernières années, les glaciers de la région ont connu d'énormes changements.
De petits glaciers ont disparu par centaines, et ceux qui sont couverts de débris ont largement diminue.
D'autres ont reculé, entraînant la formation de grands lacs devenus dangereux.
Nous devons réfléchir à cette question : comment allons-nous contrôler ces lacs glaciaires avant qu'ils ne causent des catastrophes ?
- A 4500 ou 5000m d'altitude, certains villageois constatent la fonte des neiges et des glaces.
Mais les recherches scientifiques sont plus nuancées.
- Des rumeurs ont circulé, il y a une dizaine d'années, disant que les glaciers himalayens allaient disparaître, basées sur des données fausses.
Ces glaciers perdent du volume, comme tous les glaciers du monde, quasiment tous, mais à une vitesse bien moindre par rapport à ce qu'on imaginait.
Si on compare à l'ensemble des glaciers de montagne, c'est deux fois moins rapide que la perte moyenne.
Ils sont donc en bonne santé.
On aura encore longtemps des glaciers ici, surtout qu'ils prennent leur source haut en altitude.
On est sur les plus hautes montagnes du monde.
Les bassins d'accumulation sont à 6 ou 7000m d'altitude.
Avec un réchauffement de 5 degrés d'ici 2100, ce qui est envisageable, on aura une diminution des glaciers, mais il y en aura toujours, pour des siècles.
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