Planète Glace: "Groenland"
1. Himalaya
2. Alpes
3. Groenland
4. Andes
-- ref
- Le Groenland, le "Pays vert" des Vikings, porte un nom trompeur.
Hiver comme été, l'essentiel de cette région autonome du Danemark, 4 fois plus grande que la France, est recouverte d'une épaisse cuirasse de glace.
On croit la glace inerte, figée, immobile.
En vérité, la glace bouge.
Et au Groenland, son propre poids l'entraîne vers la mer.
Ces derniers temps, ce mouvement s'accélère fortement.
Ce qui aura des conséquences sur le niveau des océans.
Les scientifiques explorent un Groenland encore mal connu.
Ils décortiquent la glace pour comprendre l'’emballement actuel des glaciers.
- Nous n'avons pas perçu combien une langue glaciaire peut évoluer.
- Il n'est pas exclu, sur deux siècles, d'aller vers une montée du niveau des mers de l'ordre de 3 mètres,
et en particulier du fait d'une déglaciation partielle du Groenland.
- Accompagnons les scientifiques pour comprendre une débâcle qui pourrait avoir des répercussions considérables sur la planète.
Luc Moreau, glaciologue, et Farouk Kadded, topographe,
étudient l'écoulement des glaciers.
A bord d'un bateau groenlandais, ils naviguent parmi les icebergs de la baie de Disko.
Cette baie de l'ouest du Groenland est envahie par les icebergs que relâchent quotidiennement une dizaine de glaciers côtiers.
Leur nombre augmente au fil des années.
Les pêcheurs locaux sont les 1ers touchés par cet afflux inquiétant.
- Pensez-vous qu'il y a plus d’icebergs aujourd'hui qu'il y a deux ou trois ans ?
- Il y a bien plus de petits icebergs, ces 4 ou 5 dernières années.
A chaque fois, ils deviennent plus petits et dérivent plus rapidement vers le Sud.
Il y a 20 ans, les icebergs étaient gros, ils atteignaient 100m de haut.
Mais aujourd'hui, ils font 20 à 40m, pas davantage.
Comme ils sont petits, ils sortent du fjord très rapidement.
Regardez : il n'y a que des petits icebergs, de la petite glace.
- Les ports souffrent.
Pour entrer et sortir, les bateaux manoeuvrent des heures.
Lorsqu'il fait vraiment très froid, la mer se fige.
Naviguer devient impossible.
Ces milliers de petits icebergs ne font pas qu'entraver la navigation.
Ils contribuent aussi à faire monter le niveau des mers.
Luc Moreau voit une relation entre la taille des icebergs et les vitesses d'écoulement des glaciers.
Il étudie le glacier Eqip Sermia depuis plusieurs années.
- On a l'impression que le front du glacier s'est brisé.
Un énorme morceau est parti.
Tous ces icebergs, c'est peut-être la débâcle du mois de juillet.
- L'Eqip Sermia est un glacier côtier d'accès facile.
Long de 5km, son glissement ne cesse d'accélérer.
C'est donc un sujet de choix, pour les scientifiques.
A chacune de leurs visites, le glacier perd de sa masse.
- Incroyable ! Le volume perdu ! Il s'accélère, comme tout glacier groenlandais qui arrive en mer.
Cette portion de glace, là, ça part probablement en un an.
Il n'a jamais connu un état aussi réduit.
Espérons qu'on a les photos, que les batteries tiennent.
- Année après année, Luc garde un oeil sur l'écoulement du glacier avec un appareil photo muni d'une batterie longue durée.
Il visualise ainsi les flux de glace d'Eqip Sermia.
- Depuis un an, 3 photos par jour.
C'est la bonne fréquence.
On ouvre.
- Après le transfert des images dans un ordinateur,
Luc et Farouk peuvent observer en vitesse rapide comment s'organise l'écoulement d'Eqip Sermia vers la mer.
- On voit bien l'écoulement général du glacier, plus lent sur la rive gauche.
Au tiers de la largeur, le glacier s'accélère vraiment.
Au niveau du centre de la pointe, il est plus lent.
Et aux 2 tiers, il s'accélère également.
- Ça nous permet de voir les zones à mesurer.
Il faut positionner les cibles ici.
- On peut passer sur la glace noire en rive gauche...
Et aller jusqu’où on peut.
- Contrairement à ce que l'on pourrait croire, un glacier ne s'écoule pas de façon uniforme.
Plus on s'éloigne du bord, plus la vitesse de glissement est rapide.
Plus la vitesse est rapide, plus la glace se fracture.
Luc et Farouk s'enfoncent dans le lit du glacier pour poser des panneaux réfléchissants sur les zones d'écoulement.
Ils progressent avec prudence.
En s'éloignant, les crevasses deviennent nombreuses et profondes.
- Ici, nous sommes positionnés à 5 mètres près.
Comme un GPS classique.
Mais nous avons positionné là-haut un autre GPS qui est sur un point connu, et qui nous envoie une correction, que je reçois par cette antenne,
et l'appareil calcule une position centimétrique.
La cible, on va la mesurer à un ou deux centimètres près.
Demain, on reviendra à la même heure, et on aura ainsi la vitesse, le déplacement de la cible, entre aujourd'hui et demain.
- L'idée est de mesurer ce glacier très finement.
Aujourd'hui, on n'a que des mesures de satellite radar, interférométrie radar, et là, c'est des mesures globales.
- Le lendemain, les deux scientifiques pointent les cibles avec un laser pour connaître leur déplacement.
Dans les zones rapides, la glace avance de 6 à 7m par jour.
Des vitesses considérables, comparées à celles de certains glaciers alpins, qui ne sont que de 30cm par jour.
Luc peut mettre les données recueillies en perspective : l'Eqip Sermia est étudié depuis près d'un siècle.
Dans les années 50,
Paul-Emile Victor avait établi un camp en face du glacier.
Malgré les intempéries, la vieille cabane est toujours debout.
- C'est un lieu assez magique, parce que tellement célèbre...
Ils ont réalisé beaucoup de mesures.
Ça a foisonné dans toutes les disciplines : météorologie, glaciologie, topographie...
Grâce à ces informations, on a des résultats des années 50, mais aussi de Quervain, qui avait découvert la zone en 1912 et l'avait photographiée.
Tout a démarré de cette station.
- Le 1er juin 1948, Paul-Emile Victor débarque au pied de l'Eqip Sermia.
Il apporte 90 tonnes de matériel, et en particulier des véhicules à chenilles légers.
Ils permettront aux scientifiques de circuler partout, du front du glacier à l'intérieur de la calotte glaciaire.
A l'époque, le glacier s'écoulait à la cadence de 3m par jour, soit deux fois moins vite qu'aujourd'hui.
La vitesse d'écoulement a doublé en 60 ans.
Cette accélération s'est combinée à un fort retrait du glacier.
En s'appuyant sur les données de l'époque, Luc et Farouk vont tenter de reconstituer l'évolution du front de l'Eqip Sermia.
Soucieux d'inscrire leurs travaux dans le temps, les topographes qui se sont succédé ont marqué les endroits où ils ont pris leurs photos.
- Alors...
Là, c'est le bon kern.
La dalle, c'est ça.
- C'est la même photo.
Exactement la même.
Il a dû matérialiser le pied ici, avec ces deux marques blanches.
Le repère devait se trouver ici.
- En prenant de nouvelles photos dans les mêmes conditions que leurs prédécesseurs, Luc et Farouk évaluent le retrait du glacier.
- Il arrivait là.
- C'est énorme.
- Après, le glacier a avancé un peu.
Wegener : il s'est retiré.
Et depuis 48, il était plus avancé.
Et aujourd'hui...
Tout ce qu'il a perdu, quoi...
Comme ils s'accélèrent, ces glaciers se fracturent, n'ont pas le temps de se déformer.
Ils s’évacuent dans la mer, lâchent plus de petits icebergs et reculent énormément.
On dirait que le Groenland se vide de sa glace.
Ce sera pas pour la semaine prochaine, mais c'est un phénomène mesuré que l'on doit préciser de plus en plus.
Cet inlandsis groenlandais, 8% ou 10% de la glace du monde, qui fait partie des éléments du climat de la Terre, joue un rôle important pour la remontée du niveau des mers, dans l'avenir.
- Drainant de plus en plus de glace vers la mer, les glaciers groenlandais sont surveillés.
En particulier le glacier d'Ilulissat, situé 80km plus au sud.
Ici, les dimensions ne sont plus les mêmes.
Il n'y a qu'à voir la taille des icebergs rejetés par le glacier.
Le glaciologue Vincent Favier et le géomorphologue Vincent Jomelli se rendent au chevet du plus grand fleuve de glace du Groenland.
Il débouche dans un fjord d'une surface de 400km carrés.
Il est le plus rapide de tout l'hémisphère Nord.
Ce qui en fait aussi le plus grand fournisseur d'icebergs du Groenland.
Autant de glace contribuant à la montée des océans.
- C'est quand même hyper impressionnant.
- Oui, c'est exceptionnel.
Ce glacier est gigantesque.
Tu as un bassin de drainage de 40000km carrés en amont, sur lequel la neige tombe.
Avec la pente, la neige va se compacter et former de la glace, qui va s'écouler vers le bas, où elle sera bloquée par les reliefs.
La glace pourra s'échapper par des petites vallées, mais comme l'orifice est petit, elle s'écoule très rapidement.
Les courants sont très rapides.
- Ce trou, c'est le fjord.
Tout passe par le fjord.
- Toute la côte du Groenland est entaillée de fjords.
Chacun d'eux est un entonnoir permettant à la glace de s'écouler du centre de la calotte, aux zones côtières en contrebas.
Les masses de glace qui s'engouffrent dans ces fjords exercent une pression énorme.
Leurs flux s'écoulent plus ou moins vite selon la largeur des vallées.
Le glacier d'Eqip Sermia, plus petit, s'écoule donc moins vite que le glacier d'Ilulissat, le plus important du Groenland.
Son front mesure en moyenne 100m de haut et s'étend sur plus de 10km.
Etant donné ses dimensions, les vitesses d'écoulement de surface atteignent des records.
Elles ont été multipliées par deux en moins de 20 ans, pour atteindre aujourd'hui 40m par jour.
En vitesse accélérée, on voit les pressions gigantesques qui s'exercent sur la glace.
Il arrive que des blocs de plusieurs kilomètres de long tombent dans la mer.
Pour donner une échelle, ce pan de glacier qui cède sous son poids est aussi haut que la tour Eiffel.
A lui seul, le glacier d'Ilulissat débite chaque année 20 milliards de tonnes d’icebergs.
Ces dernières années, les glaciers groenlandais perdent plus de glace qu'ils n'en accumulent.
Leur retrait, proportionnel à leur vitesse d'écoulement, est parfois considérable.
Aujourd'hui, c'est un véritable fleuve de glace qui s'étend du front du glacier d'Ilulissat jusqu'à l'embouchure du fjord.
Plus il recule en évacuant de la glace, plus il contribue à la montée des océans.
Rien ne permet de penser que ce mouvement se stabilisera dans le siècle présent.
Pour les scientifiques, il est essentiel de surveiller la position du front de ce glacier gigantesque.
- On arrive au bout du fjord.
Tous ces icebergs sont prêts à partir dans l'océan.
- Depuis qu'on marche, j'essaie de retrouver des traces de la position du front à des époques plus anciennes.
Je ne trouve rien.
Les traces sont dans l'océan, et je ne vois rien.
- On peut se rattacher, depuis 150 ans, à l'observation visuelle faite par les gens d'ici, à la photographie, la photographie aérienne et, grâce aux satellites, à l'imagerie satellite.
- Ça veut dire que, sur ce glacier, tu as une idée de l'évolution du front depuis une centaine d'années.
- Oui.
Depuis 150 ans, le glacier a reculé de 60km, et ça s'accélère.
Et cette accélération du recul est associée à celle des écoulements, comme on en a déjà discuté.
L'observation par satellite montre qu'après une stabilisation éphémère dans les années 60, le retrait a repris brutalement.
Le front du glacier d'Ilulissat a reculé de 15km en 4 ans.
Depuis 50 ans, le Groenland perd sa glace sur un rythme soutenu.
Les scientifiques émettent plusieurs hypothèses.
La 1ere est liée au changement climatique global.
Le réchauffement n'est pas également reparti sur la planète.
L'Arctique est bien plus expose à la hausse des températures que d'autres parties du monde.
La calotte glaciaire du Groenland est soumise épisodiquement à une intense fonte de surface.
- Là, je te montre deux images prises par satellite.
Sur l'image de gauche, on voit que les zones blanches sont celles où il n'y a pas de fonte.
En été, on voit que la partie basse, en rouge, est assez importante.
Plus tard, on voit que de la fonte a été observée au sommet.
- 3000m.
Au sommet, vers 3000m, j'imagine qu'il fait froid, mais non, ça fond.
- Certains jours, il fait assez chaud pour que ça fonde, oui.
- Les jours de forte chaleur, des lacs se forment à la surface de la calotte.
Le trop-plein de ces lacs donne naissance à des bédières qui érodent la glace.
Lorsqu'une bédière se déverse dans une crevasse, l'eau tourne sur elle-même et fraise la glace, creusant un gouffre qu'on appelle un moulin.
Depuis le moulin, l'eau de fonte s'infiltre jusqu'au socle rocheux.
La nappe d'eau, sous le glacier, joue le rôle d'un lubrifiant.
La glace glisse sur l'eau et s'écoule plus rapidement.
- Quand on frotte deux disques métalliques, ils glissent peu.
Si on les huile, ils glissent.
L'eau joue ce rôle.
- Ça explique pourquoi on a des vitesses rapides, ici.
- Ça fait partie des explications.
- Le socle rocheux se trouve parfois à plus de 1000m sous la surface du glacier.
Les moulins permettent-ils à l'eau de descendre à une telle profondeur? Pour explorer ces cavités, il faut attendre le regel.
Avec le froid, bédières et moulins se tarissent.
Ces gouffres sont alors accessibles aux plus téméraires.
Luc et Farouk ont remonté le lit d'une bédière asséchée.
Ils cherchent un moulin qui sera leur porte d'entrée du labyrinthe de glace.
Les deux scientifiques veulent vérifier que l'eau de fonte arrive bien au socle rocheux.
Ils acheminent des instruments de haute précision dans les entrailles du glacier.
- Les moulins sont le seul moyen d'aller dans le glacier.
Ils sont tailles naturellement par l'eau.
Les crevasses font 20 à 40m de profondeur, les moulins vont jusqu'à 150m de profondeur...
Ça nous intéresse.
- Travailler dans un glacier est risque.
Si la température grimpe et que la glace fond, l'eau s’engouffrera dans le moulin et submergera tout.
- On n'a jamais scanné l'intérieur d'un moulin aussi précisément, modélisé le puits, les formes, les morphologies que l'eau a creusés.
Ça nous permettra de voir quels sont les axes de la crevasse d'origine, les creux, les bosses, les profondeurs, les diamètres, les largeurs...
Puis on pourra travailler sur cette modélisation en 3 dimensions.
- Le laser du scanner va modéliser le moulin au centimètre près.
- Ça fait des lignes verticales, ça balaye verticalement...
Ça tourne complètement.
une autre de ce côté.
- Ça se décale d'un petit cran, un centimètre...
tac ! Et comme ça, en un demi-tour, on a l'ensemble du moulin.
Il mesure chaque point en coordonnées X, Y, Z.
- Une journée sera nécessaire pour scanner le moulin depuis la bédière qui l’alimente jusqu'à son point le plus profond.
Les efforts payent.
Pour la 1ere fois, un moulin est restitué en trois dimensions.
- Voici la visu des données, C'est des points.
Si je zoome...
- Il y a combien de points ? C'est ce qu'on a mesuré en 3 ou 4 stations.
- On est sous la surface, dans le glacier.
C'est une première.
Ça nous permet de voir la morphologie du moulin, de voir comment la bédière pénètre après le glacier.
ce qui se passe à l'intérieur.
il y a beaucoup d'interprétations sur les circulations d'eau, sur l'influence de l'eau sur l'écoulement des glaces, les vitesses d'écoulement...
- Les travaux novateurs de Luc et Farouk complètent des études présageant que l'écoulement des eaux de fonte dans les entrailles de la glace serait plus compliqué que prévu.
Une équipe de la Nasa a compile les données de 40 imageries radar, permettant de reconstituer le relief sous-glaciaire.
Les chercheurs ont découvert un méga canyon long de 750km et vieux de 3,5 millions d'années.
Plutôt que de participer à l'écoulement des glaciers, une grande partie des eaux de fonte serait ainsi captée par ce canyon et drainée jusqu'au nord du Groenland.
La proportion des eaux détournées serait si importante qu'on douté désormais que l'accélération des glaciers provient du seul fait des eaux infiltrées jusqu'au socle rocheux.
En fait, seuls les glaciers en contact direct avec l'eau de mer ont vu leur vitesse d'écoulement doubler en 40 ans.
Il faut donc aussi chercher ce qui a changé récemment dans les eaux côtières.
En modélisant les masses d'air affectées par le réchauffement climatique, on a vu que les vents qui soufflent sur la calotte glaciaire changeaient de direction.
Ils poussent les eaux chaudes de l'Atlantique vers le Groenland.
Comment ces eaux plus chaudes remontent-elles les fjords jusqu'à baigner les fronts des glaciers ?
La réponse est dans la baie d'Uummannaq.
Entaillée de 20 fjords par lesquels s'écoulent 20 glaciers, la baie est un terrain d'observation idéal.
Une mission américaine est sur site depuis plus d'un mois.
Les scientifiques sillonnent la baie à bord d'un navire bardé d'instruments de mesure.
Eric Rignot, chercheur de la Nasa et spécialiste en ingénierie radar, dirige l'équipe.
La mission étudie les courants marins qui traversent les fjords.
- Nous mesurons les propriétés de l'océan pour le caractériser verticalement.
Dans l'Arctique, à la surface, on a l'eau polaire, douce et froide, puis les eaux chaudes venues de l'Atlantique, et en dessous, des eaux froides profondes.
On analyse les fjords pour voir où va cette eau chaude.
- Plus salées et plus denses, les eaux chaudes de l'Atlantique circulent en profondeur.
Pour qu'elles atteignent les glaciers, il faut que les fjords soient suffisamment profonds.
Jusqu'à une période récente, ces longues échancrures de la côte étaient méconnues.
Les cartes marines estimaient leur profondeur à 200m.
Bien insuffisant pour que les eaux atlantiques baignent les glaciers.
L'équipe a amené un sonar de longue portée à la pointe de la technologie.
- C'est fou : nombre de ces fjords n’ont jamais été cartographiés.
Nous ignorons leur profondeur.
C'est parce que c'est compliqué de travailler ici.
Il y a les icebergs, de la glace de mer...
Vous ne pouvez pas venir à n'importe quelle époque.
Aujourd'hui, on veut connaître la profondeur de ces fjords pour comprendre comment l'océan interagit avec les glaciers.
- La zone sera quadrillée pendant des semaines 24h/24.
On établira la topographie des fonds, et les fjords seront cartographiés.
- Nous avons réalisé que ces fjords étaient beaucoup plus profonds que ce que les cartes mentionnaient.
C'est lié à l'avancée des glaciers qui ont creusé ces vallées sous-glaciaires actuellement recouvertes d'eau.
- Dans certains fjords, Eric et son équipe ont relevé des profondeurs de plus de 1000m.
De véritables boulevards pour les eaux chaudes de l'Atlantique.
En creusant les fjords, les glaciers auraient donc creuse leur tombe.
- Le plancher océanique est à 900m sous la surface des eaux.
Dans l'Arctique, les eaux chaudes Rien n'empêche l'eau chaude de venir au contact des langues glaciaires et de provoquer une fonte importante.
Les eaux chaudes s'infiltrent, atteignent le glacier, qui fond.
Elles contribuent donc bien à l'évolution de ce système.
- Reste à vérifier cette hypothèse en découvrant ce qui se passe à la base du glacier.
Le sonar délivre une information pour le moins étonnante.
- Ici, cette partie du glacier est soudée au plancher océanique.
Là, il y a une cavité par laquelle l'eau sous-glaciaire sort.
Elle fait 300m environ.
C'est une énorme ouverture dans le front du glacier.
Elle draine les eaux sous-glaciaires.
Cela génère un courant qui contrôle la fonte du front des glaciers.
- L'eau froide sous-glaciaire qui jaillit de ces cavités joue un rôle inattendu, propulsant les eaux chaudes vers la surface.
Celles-ci vont littéralement meuler le front du glacier.
Affaiblis, les fronts des glaciers côtiers groenlandais n’opposent plus de résistance à la glace qui pousse.
Leur écoulement s'accélère, et ils débitent davantage d'icebergs.
Comment le phénomène peut-il évoluer dans un contexte d'augmentation des températures ?
- La leçon la plus importante que 20 ans d'observations par satellites nous ont appris est que le Groenland, ses glaciers, l'Antarctique
ont réagi au réchauffement climatique plus rapidement et fortement que prévu.
Cela va au-delà de ce que nos modèles nous prédisaient.
Nous n'avons pas perçu combien une langue glaciaire pouvait évoluer dans un climat qui se réchauffe.
- Si toute la glace du Groenland fondait, le niveau des océans monterait de 7 mètres.
Des millions de personnes seraient menacées.
Une mise en perspective donne la mesure du risque encouru.
Il y a 125000 ans, l'orbite de la Terre était différente.
Le climat était plus chaud.
La température moyenne du Groenland était alors supérieure de 5 degrés.
Les données issues de cette période constituent donc d'excellents indicateurs pour anticiper les impacts du réchauffement climatique sur le niveau des océans.
Pour effectuer ce voyage dans le temps, des paléoclimatologies se sont retrouvés au coeur du Groenland.
Là où les températures sont les plus basses.
Des mesures radar ont déterminé l'endroit où l'épaisseur de glace est la plus importante.
Une zone où les chutes de neige figent l'histoire de notre climat dans la glace.
Pendant 5 ans, 300 scientifiques issus de 14 nations se sont impliqués dans le plus profond forage réalisé en Arctique : le projet NEEM.
Des moyens techniques exceptionnels ont été déployés, permettant de battre les records de rapidité de forage glaciologique.
Le socle rocheux a été atteint au terme d'un forage profond de 2500 mètres.
Cette percée dans la calotte permet de remonter 125000 ans avant la période contemporaine.
Les carottes de glace récupérées ont été répertoriées, découpées et distribuées à chaque nation impliquées dans le projet NEEM.
Au laboratoire français des Sciences du climat et de l'environnement, la paléoclimatologie Valérie Masson-Delmotte
décrypte les informations du passé encapsulées dans la glace.
- Les derniers échantillons du forage de NEEM vont nous permettre de comparer les variations climatiques récentes à celles qui remontent jusqu'à 130000 ans en arrière.
Nous saurons ainsi comment la calotte de glace du Groenland a réagi lors des épisodes chauds passés.
Ce qui est pertinent par rapport au risque d'évolution future du niveau des mers.
Dans une carotte de glace, on a de la glace.
Le rapport entre les molécules lourdes et légères de l'eau nous informe sur les climats locaux passés.
Cette glace contient des impuretés qui vont nous renseigner sur le transport de particules depuis les déserts ou depuis les éruptions volcaniques.
Et on a de l'air qui nous renseigne sur l'altitude de la glace et sur la teneur en gaz à effet de serre au cours du temps.
Dans la tranchée scientifique, on avait des instruments qui ont permis d'analyser pour la 1ere fois, quasiment en continu, ces informations sur le climat.
- Pendant 5 ans, les carottes de glace ont été scannées, disséquées ou fondues, afin d'en extraire le plus d'informations possibles.
Ces travaux prouvent que le volume de la calotte du Groenland était bien diffèrent il y a 125000 ans.
- A partir de l'étude du forage, on sait que le niveau de la calotte s'est progressivement aminci il y a environ 125000 ans, pendant la dernière période chaude.
A partir de cette information et de calculs de la forme de la calotte au cours du temps, on en déduit était réduite par rapport à sa forme actuelle.
Si on convertit en niveau des mers cette baisse de volume de glace, cela correspond à environ 1,50m à 4,50m de niveau des mers en plus.
- Durant cette période, la température du Groenland était de 5 degrés supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui.
Dans le pire des cas, on estime que la calotte aurait alors perdu 60% de son volume.
Or, les modèles climatologiques les plus pessimistes prédisent que la température de surface du globe peut s'élever de 6 degrés au cours de notre siècle.
Cette ancienne période chaude est une sorte de banc d'essai permettant d'envisager le niveau futur des océans.
les estimations sur le schéma d'émissions croissantes des gaz à effet de serre, de perturbations profondes par les activités humaines...
On irait vers une montée de niveau des mers de l'ordre de 60cm à 1m au-dessus du niveau actuel.
Les deux principaux facteurs, c'est l'océan qui se dilate et les glaciers de montagne qui fondent.
La contribution du Groenland serait faible : 10cm, typiquement.
Mais on a beaucoup de questions sur le plus long terme.
La réponse des calottes polaires, Groenland et Antarctique, qui réagissent plus graduellement, pourrait être déterminante.
Il n'est pas exclu, sur environ deux siècles, d'aller vers une montée du niveau des mers de l'ordre de 3 mètres.
En particulier du fait d'une déglaciation du Groenland.
- Une grande partie du public et de la communauté scientifique ne réalise pas la rapidité avec laquelle ces systèmes évoluent.
Ils peuvent changer très rapidement.
Mais il nous faudrait des chiffres plus précis pour pouvoir prédire le comportement du Groenland dans le futur.
- Avec le réchauffement climatique, le Groenland émerge de son linceul de glace.
Chacun de nous contribue à en faire le pays vert qu'il a été il y a des milliers d'années.
Tout autour du monde, des millions de personnes risquent de payer cher cette résurrection.
--