Planète Glace: "Alpes"
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- Les glaciers sont d'immenses fleuves gelés. Durant des millénaires, ils ont creusé les vallées et donné naissance à des paysages familiers.
Mais le réchauffement climatique les condamne à une disparition rapide. En quelques décennies, un grand nombre d'entre eux ont déjà recule.
Quel est l'avenir de notre planète glacée ?
Pendant qu'il est encore temps, partons avec les glaciologues sur les glaciers des Alpes.
- D'ici un siècle, le glacier de Saint-Sorlin, le pic de l'Etendard, on pourra le faire en baskets.
Ça sera un terrain caillouteux.
- On bâche le glacier d'Argentière pour gagner 1,50m de neige et permettre l'accès au glacier.
- Cette zone de sérac pose des problèmes de sécurité pour la population à l'aval.
Il y a eu une avalanche, en 1999.
Avec le réchauffement climatique, il y a plus de zones à surveiller.
- Situés au pied du Mont-Blanc, les glaciers des Alpes sont parmi les plus sensibles de la planète.
Destination de milliers de randonneurs et d'alpinistes, ces glaciers, souvent proches des villages, sont sous haute surveillance.
Les glaciers ne sont pas des masses immobiles : ils bougent, ils sont vivants.
Ils glissent, se fracturent en crevasses, se divisent en d'immenses blocs de glace appelés "séracs".
Luc Moreau est glaciologue. Un dispositif lui permet de suivre leurs mouvements, jour après jour.
Luc relève ses dernières images le long de la chute de séracs du glacier d'Argentière.
- Hop ! Voilà... La neige cache les petits panneaux solaires.
Ce dispositif automatique prend des images chaque jour.
Le but est d'étudier le glissement du glacier, en fonction des saisons et de son évolution.
Dans les Alpes, les glaciers se forment au-dessus de 3000m.
A cette altitude, la neige ne fond pas entièrement.
La zone est toujours enneigée. La neige va fabriquer la glace de glacier.
Au-dessus de 4000, le glacier reste collé au rocher.
Suivant les faces nord ou sud, la neige fond, ça fabrique une glace moins froide, presque à zéro degré, et le glacier peut s'écouler vers l'aval sous l'effet de son propre poids.
Il y a 40 ans, les glaciers avaient grandi.
Depuis 25 ans, le climat est défavorable : la masse de glace diminue,
les glaciers alpins, sous l'effet de leur écoulement, ont usé les montagnes, creusé les vallées, façonné ce paysage.
Ils ont aussi transporté des pans de montagne, des blocs rocheux, très loin vers l'aval, dans les vallées, les plaines.
- Quand on voit ce bloc, on réalise la puissance, la facilité de transport d'un glacier.
Ce bloc fait 2000 tonnes.
C'est le plus gros bloc transporté par les glaciers sur les flancs du Jura.
- Sylvain Coutterrand, géomorphologue, fait parler les pierres pour reconstituer l'histoire et la géographie du climat.
- Ce bloc de granit pèse 20 tonnes.
Tous les autres blocs aux alentours pèsent entre 10 et 15 tonnes.
Ils ont été transportés par les glaciers.
Ils ont parcouru presque 130km depuis le massif du Mont-Blanc, pour être déposés ici
Je dois prélever environ 1kg sur ce bloc pour le dater.
Il y a 25000 ans, sur le plateau suisse, il y avait 700m d'épaisseur de glace.
- Durant la période du maximum glaciaire, les glaciers recouvraient une partie de l'Europe.
La ville de Genève était à la limite d'un géant de glace.
Devant Lyon s'étalait un front glaciaire de plus de 30km.
Dans les Alpes, seuls les sommets émergeaient de la mer de glace.
- Les glaciers sont des marqueurs de l'évolution du climat.
A l'époque romaine, les glaciers des Alpes étaient plus courts.
Au Moyen Age, ils étaient comme aujourd'hui.
En 1850, les langues glaciaires avaient 1 ou 2km de plus.
Et depuis 1990, le recul s'est largement accélère.
On a une situation catastrophique des langues glaciaires.
- Gravures et cartes postales anciennes témoignent du recul des langues de grands glaciers des Alpes françaises, notamment la
Mer de Glace et Argentière.
Ces deux glaciers s’épanchent au pied du Mont-Blanc, à quelques kilomètres des villes d'Argentière et de Chamonix.
la Mer de Glace a diminué de 2km, laissant derrière elle une langue couverte de débris de pierres.
Le laboratoire de glaciologie de Grenoble la mesure depuis 50 ans.
- On est à 1800m d'altitude, dans la partie terminale du glacier, couverte de cailloux.
Ces cailloux proviennent des éboulements très à l'amont.
Ils ont été insérés dans la glace et ils ressortent.
Ici, il y a beaucoup de fonte : 10m de glace disparaissent chaque année.
Et ça s'accélère depuis quelques années.
La langue du glacier est en train de se retirer.
Elle se retire d'environ 20 à 30m par an.
Ici, on est vers la langue terminale du glacier.
Le glacier atteignait la position de l'extrémité du lac inférieur
Depuis, il s'est nettement retiré
Sur le glacier d'Argentière, on a un retrait du front de 660m depuis 1990 également.
- La diminution de la langue d'un glacier est en quelque sorte la partie visible de l’iceberg.
Mais c'est la variation de sa masse qui indique l'importance de son recul.
- On installe un réseau de balises avec cette machine.
Plus tard, d'autres équipes viendront relever ces balises.
On mesure ainsi les variations de masse du glacier.
On met la balise dans le trou qu'on a foré avec la sonde à vapeur.
A 10 mètres de profondeur, en principe.
C'est cette balise que l'on mesurera au fil du temps.
- Les balises en bois sont précisément répertoriées.
- Elle émerge de 30cm, bleue.
Il y a donc 9,70cm de balise qui sont insérés dans la glace.
Dans quelques mois, et l'année prochaine, on vient remesurer cette balise.
Et la différence d'émergence nous donne la fonte.
méthode simple mais très efficace.
- Muni de cette antenne GPS, Christian localise les balises.
Pour établir le maillage du glacier d'Argentière, il doit parcourir, de gauche à droite, les 9km du géant.
- Dans l'avenir, ce glacier va fortement diminuer.
Il va bien plus souffrir que la Mer de Glace, car il a une zone d'accumulation beaucoup plus basse.
- La limite glaces éternelles et glaces qui fondent chaque été, dite "zone d'accumulation", est passée ces dernières années
- Ce glacier qui coule à partir de l'aiguille des Grands Montets venait alimenter cette partie du glacier d'Argentière, ici, au début des années 80.
Il a très fortement diminué.
- Pour limiter son recul, un bâchage partiel est organisé avant l'été afin de protéger le passage-clé de l'hiver.
l'existence de cette passe assure l'accès aux pistes et autorise la pratique du ski de glacier.
Depuis 2 ans, ce glacier et d'autres, dans les Alpes suisses et italiennes, sont partiellement protèges au début de l'été et débâchés fin septembre.
- C'est bon ! Tire au max ! Voilà le niveau habituel après une saison d'été de fonte.
Et voilà le gain, grâce à la bâche : 3m de cumul supplémentaire, malgré une canicule d'une dizaine de jours en août.
- Si la fonte est importante en altitude, qu'en est-il des glaciers de basse altitude, petits et isolés, comme celui de Saint-Sorlin, à la limite des Alpes ?
- Voilà le glacier de Saint-Sorlin.
Il nous paraît important en taille, 'mais il risque bien de disparaître d'ici la fin du siècle.
Ce glacier est étudié depuis plus de 50 ans, maintenant.
Il est représentatif de ce qui se passe dans les Alpes françaises en dessous de 3500m.
Entre ces deux photographies, on a un siècle d'écart.
L'une a été prise vers 1900, l'autre dans les années 2000.
On voit que le glacier a perdu plus d'un kilomètre.
Et depuis le milieu des années 80, il a perdu 200 mètres.
Vers le bas, on voit une partie à découvert, un champ de cailloux.
Et bien, c'était de la glace il y a 20 ou 25 ans.
Avec nos calculs, on a fait des modélisations numériques de l'avenir de ce glacier.
On a forcé le climat en disant que, d'ici le siècle prochain, on aurait une augmentation de l'ordre de 3 degrés en moyenne.
Et on voit que le glacier est amené à disparaître totalement.
Toutes les parties ne disparaissent pas à la même vitesse.
Sur la pente de l'Etendard, ici, d'ici les années 2050, cette glace va disparaître.
En revanche, au centre du glacier, la glace est très épaisse : 130m à peu près.
C'est la dernière partie qui sera amenée à disparaître, Cette diminution actuelle est liée à l'augmentation des températures estivales.
A moyenne altitude, c'est ces températures d'été qui vont faire fondre la glace, bien plus qu'un déficit de précipitations neigeuses qui pourrait avoir lieu en hiver.
Cette augmentation des températures est due à l'activité humaine.
D'ici un siècle, le glacier de Saint-Sorlin, le pic de l'Etendard, on pourra le faire en baskets.
Ça sera un terrain caillouteux.
On n'aura plus cette chance de pouvoir traverser cette masse de glace en crampons, de devoir franchir des crevasses...
Tout ça va disparaître.
- Ces glaciers isolés situés à moins de 3500m sont donc condamnés.
il n'est évidemment pas imaginable de les recouvrir tous de bâches.
La chaleur estivale a fortement augmenté en moyenne altitude.
Mais qu'en est-il au-dessus de 4000 mètres ?
Les chercheurs n'ont qu'un début de réponse, par manque de données à ces hautes altitudes.
- On va l'installer, notre station météorologique.
Enfin, "ma" station météorologique.
Depuis juin, c'était impossible.
Entre les orages, le vent, la neige...
Là, c'est bon.
Il y a des nuages, quand même.
Il ne faudra pas traîner non plus.
- Ça fait 6 mois qu'on reporte.
il y a un peu de vent, mais c'est bien mieux que les dernières fois.
Delphine Six, station météo.
- La plus haute station d'Europe, je tiens à le dire.
- Au col du dôme du Goûter, près du sommet du mont Blanc, l'équipe attend le matériel pour installer la station météo.
- Il y a tout ce qu'il faut.
Rien n'est tombé ?
Non, même la caisse à outils est là ! Impeccable ! Elle pèse bien 50kg, celle-là ! Ah !
Au total, on avait quoi, Adrien ? 250 ? On voit l'observatoire Vallot, avec le petit refuge, à côte, tous les gens qui montent, sur l'arête des bosses...
La dernière des bosses, c'est le Mont-Blanc.
- L'observatoire Vallot a permis de relever la température de la glace au-dessus de 4000m d'altitude.
Mais une station météo permettant de relever la température de l'air faisait encore défaut.
A très haute altitude, les changements de météo sont très rapides.
- Les nuages arrivent vite.
On capuchonne très vite.
On est vraiment sur un dôme.
Et le dôme et le Mont-Blanc se font prendre dans les nuages à vitesse grand V.
Et si on est dans les nuages, dans le vent, à 4200m d'altitude, au froid, avec un petit mal des montagnes qui vous guette...
on est mal barrés.
Mais bon, on a les clés de l'observatoire, pour aller passer une nuit là-haut.
- Une strate de glace, qu'on observe lors des épisodes de forte chaleur.
- On ne voit plus le mont Blanc.
Mais ils vont...
Ça va évoluer toute la journée : monter, descendre...
Tant que ça reste en hauteur et sans trop de vent, ça ira.
Mais il ne faut pas se faire prendre dans le brouillard.
Sinon, plus d'hélico.
J'haubane la station.
Il y a des vents extrêmement forts.
Il y a un col, haut en altitude, et on arrive à avoir des vents qui dépassent largement ???
Celui-là tient.
On voudrait mesurer la température de l'air, son évolution, savoir si ici, l'été, est-ce qu'on a des températures positives, au-dessus de zéro degré.
Ça paraît complètement insolite : il fait chaud, c'est la plage, il fait 20 degrés, 30 degrés, etc.
Mais en très haute altitude, il fait toujours froid, négatif.
Sauf que depuis quelques années, même à très haute altitude, la température se réchauffe, et on a de la fonte.
- On n'a pas la bonne valeur de température.
Il fait 40 degrés, selon le thermomètre.
- Le jour où il fera 40 degrés au Mont-Blanc, on pourra vraiment parler de changement climatique.
On fait aussi des forages pour mesurer la température de la glace.
En reconstituant les températures sur le siècle dernier, on peut observer qu'entre 1994 et 2009, à une cinquantaine de mètres de profondeur.
- Plus 1,5 degrés en 15 ans.
C'est énorme, à cette altitude.
- Comment ça se présente ?
- On a été hors de nuage, mais là, on est dans le nuage.
- Si vous n'êtes pas trop chargés, allez vers Vallot.
- Vallot est dégagé ?
- Pour l'instant, oui.
- Ça roulotte, merci.
- Impossible pour l'hélicoptère dé récupérer l'équipe.
Décision est prise de monter à l'observatoire Vallot, en espérant qu'il sortira des nuages.
- On est à Vallot! Et même là, il fait trop moche.
Allez! Ici, on est en sécurité.
- On dégage la porte pour aller se mettre à l'abri, en attendant que l'hélice puisse venir nous chercher.
- C'est bon, ça va s'ouvrir.
- Finalement, l'équipe passera la nuit à l'observatoire, dans l'attente de meilleures conditions climatiques.
A la station météo du dôme du Goûter, la température de la glace affiche encore moins 11 degrés.
Ce n'est pas le cas partout.
500m en dessous, dans la barrière de séracs de Taconnaz, la glace se réchauffe dangereusement.
Les glaciologues y forent profondément pour mesurer la température de la glace au contact du rocher.
- Le risque est que toute la zone devienne instable suite à un réchauffement qui conduirait à une augmentation de la température à la base du glacier jusqu'à zéro degré.
C'est un effet seuil.
Si cette température est atteinte, le glacier pourrait déraper sur son lit et provoquer un effondrement de centaines de milliers de mètres cubes, qui pose des risques pour les populations à l'aval.
On va descendre ce câble dans le trou pour mesurer les températures à l'intérieur du glacier.
Il y a différents capteurs, installes à différentes distances, différentes profondeurs.
Là, il y a des capteurs avec un intervalle de 5m.
On va donc mesurer la température tous les 5m en profondeur.
T'es à combien, là ?
- Ça devrait le faire.
J'appelle Nadine : je vais anticiper le déplacement.
C'est tendu.
- A cette altitude, la difficulté pour enchaîner les forages, c'est l'entière dépendance aux rotations d'hélicoptères.
- L'idéal, c'est 13h. Après, ça va nous coincer.
- Et en été, les plannings sont particulièrement chargés.
- Merci.
Cette zone de sérac pose des problèmes de sécurité pour la population en aval.
Il y a eu une avalanche, en 1999 : des centaines de milliers de mètres cubes sont partis.
Cette avalanche de neige et de glace avait été provoquée par une chute de sérac.
- On y est !
- Combien ?
- Profondeur forage : 84,2.
84 mètres, quoi.
On met les capteurs de température dans le trou qu'on vient de faire.
Jusqu'à 80m de profondeur.
on a foré au même endroit, et à la base du glacier, on a mesure une température de moins 2,5 degrés.
On veut savoir si cette température s'est élevée.
Plus haut, au dôme du Goûter, sur le haut du glacier, le réchauffement est très marque.
- Finalement, contre toute attente, dans cette partie du glacier, l'augmentation de température reste limitée.
Un 2e forage de confirmation est prévu à 3700m d'altitude, à la limite d'une autre zone sensible, une immense barre de séracs.
- On va faire la plate-forme vite fait.
On a des blocs qui font à peu près 20000m cubes.
Ça représente environ 6 piscines olympiques.
En comparaison, les blocs qui se détachent de la barre de séracs et qui menacent les habitations à l'aval.
Ils ont un volume 10 fois supérieur à ces blocs-là.
Le moteur s'arrête.
- Fait chier !
- C'est grave ?
- Ça fuit pas : on continue.
Le moteur démarre.
- On a souvent des pannes de chaudière à cause de la faible pression atmosphérique.
On est à 3680m, il y a donc beaucoup moins de pression.
On a donc souvent des pannes de moteur.
Ici, on fait un autre forage.
Il y a 115m de profondeur.
C'est le lit rocheux, la base du glacier.
Ici, on a des températures d'environ moins 5 degrés.
On est plus froid que tantôt.
Plus on monte en altitude, plus le glacier est froid.
Les glaciers de très haute altitude se réchauffent.
Ça peut avoir des conséquences sur la stabilité des glaciers suspendus, et en particulier sur des zones de sérac comme celle de Taconnaz.
- Ce dernier forage a relève une augmentation de température.
Rien n'est évident, en climatologie.
Le temps est compte.
L'équipe évacue la zone à la faveur d'une éclaircie.
Pour faire face aux risques de chutes des séracs de Taconnaz, des digues paravalanches
en béton armé ont été bâties au pied du glacier.
Cet ouvrage de protection, le plus grand au monde, pourrait contenir une avalanche de 2 millions de mètres cubes de neige.
Soit presque le volume d'une pyramide d'Egypte.
Nous ignorons si les scientifiques pourront éviter que les glaciers nous tombent sur la tête, mais ils y travaillent.
Le réchauffement en haute altitude pourrait aussi avoir des répercussions sur la stabilité des glaciers en surplomb.
Aujourd'hui colles à leur lit, ils pourraient demain s'effondrer.
Mais une autre menace, plus imprévisible encore, plane sur les vallées alpines.
Chaque été, la fonte des glaciers génère des torrents, dont le débit a tendance à augmenter.
Ils alimentent des poches d'eau qui peuvent exploser à tout moment.
Le glaciologue Luc Moreau est accompagné de Serge Aviotte, un spécialiste de l'exploration des entrailles de glaciers.
- A 15 ans, j'ai descendu une quarantaine de barreaux.
Aujourd'hui, j'en ai compté 350.
C'est impressionnant.
- Oui.
Le glacier a perdu On rallonge les échelles chaque année.
- Après une heure de marche sur la
Mer de Glace, Serge Aviotte et Luc Moreau ont rejoint la grande bédière, un torrent alimenté par les eaux de fonte du glacier.
- L'hydrologie glaciaire est assez méconnue.
On ignore où et comment circule l'eau de fonte de surface des bédières, dans et sous le glacier.
Cette eau ressort au front du glacier, à l'aval.
Mais il arrive que cette eau ne ressorte pas du glacier et soit retenue sous ou dans le glacier, à la faveur d'une cavité ou de crevasses.
Ça peut alors être un danger pour les populations à l'aval, bien que ce soit quand même un risque relativement rare.
- En plein été, cette bédière peut avoir un débit de l'ordre de 1000 à 2000 litres par seconde.
Peu d'études existent sur ces rivières sous-glaciaires.
- On va regarder avec ce colorant si l'écoulement est libre et combien de temps l'eau met pour aller d'ici, de la bédière, au front du glacier.
- A ton avis, c'est à peu près combien de temps, justement ?
- Vu la distance, ça devrait mettre environ 2h30.
Il ne faut donc pas traîner.
- J'ai bien compris, oui.
il fallait deux heures à l'eau pour couvrir les 4km de trajet entre la grande bédière et la résurgence du glacier.
- Ça arrive !
- Oui !
- C'est ce que t'avais dit.
- En un siècle, son écoulement a donc très peu change.
C'est rassurant.
Mais l'eau ne coule pas toujours si librement dans les glaciers.
A gauche de l'immense glacier de Bionnassay se situe le modeste et triangulaire glacier de Tête Rousse,
coince dans une cuvette rocheuse au pied de l'aiguille du Goûter,
sur la voie d'ascension du Mont-Blanc.
Depuis des années, l'écoulement de ses eaux de fonte est placé sous surveillance.
Car l'endroit est propice à la création de poches d'eau.
- Contrairement à la plupart des glaciers, où un torrent sous-glaciaire ressort au front du glacier, ici, une langue
à température négative forme un barrage qui empêche l'eau de s'évacuer par le dessous.
- Si ce bouchon de glace venait à sauter, les conséquences seraient catastrophiques pour les alpinistes et les habitants de la vallée.
- On est sur la voie normale du Mont-Blanc.
A l'intérieur de ce glacier, il y a une cavité remplie d'eau qu'on a dû vidanger, en 2010, puisqu'elle menaçait les habitants de Saint-Gervais, le village en dessous.
3000 habitants étaient menacés.
En 2011, ???? elle s'est à nouveau remplie.
On a dû la re-vidanger.
On va devoir pomper encore, même s'il y a moins d'eau.
- En 1892, une poche d'eau s'était brutalement vidée, libérant des centaines de milliers de mètres cubes d'eau, de graviers et de rocs sur Saint-Gervais.
Plusieurs bâtiments et les thermes furent emportes par un torrent qui dévasta tout sur son passage, tuant 175 personnes.
Aujourd'hui, une rupture du bouchon de glace déclencherait un système qui donnerait immédiatement l'alerte.
Des alpinistes redescendent du Mont-Blanc à cause du mauvais temps.
- Tant qu'il y a de la visibilité, ce n'est pas gênant.
Qu'il pleuve ou qu'il neige, l'hélice vient nous chercher.
Mais si le brouillard arrive,
il ne peut plus venir.
Filippo, monte tout, là.
Ça se bâche, là.
On va s'en aller.
Il est quelle heure ?
- Jongler avec la météo est le quotidien des glaciologues.
- Il nous faut 45mn pour plier.
Ici, ça se bâche.
La météo devient critique.
Dis-moi un peu le programme.
- On te tient au courant dès qu'il est de retour dans la vallée.
- Bien, Nadine.
J'attends.
- Il vient pas, comme ça...
L’hélico n'est pas dans la vallée, pour l'instant.
- T'as moyen de le purger, là, le tuyau ?
Non ? Si on le déroule, il ne se passe rien ?
Il faut évacuer la machine.
Sinon, on prend un risque de panne, d'aggravation, car il y a de l'eau dans la machine.
Il ne faut pas qu'elle reste cette nuit.
On y va? On saura dans 10mn si on arrive à installer le capteur.
Toi seul peux nous dire si ça descend régulièrement.
En tout cas, le forage est en connexion avec la cavité.
On peut le dire avec certitude.
Il va nous donner une mesure du niveau d'eau de la cavité.
Sans cet indicateur, on est incapables de savoir si la cavité est pleine ou pas.
- Il n'y a qu'une mesure.
- On saura vite si on est dans la cavité.
- La sonde est finalement descendue au fond de la cavité.
Elle transmettra la progression du niveau d'eau.
Il était temps : la neige et le vent s'amplifient.
Les alpinistes se hâtent de redescendre vers la vallée.
Il faut évacuer le site pour ne pas risquer de rester bloqués avec le matériel rempli d'eau et sensible au gel.
Au fil des jours, les relevés transmis par la sonde confirment le remplissage partiel de la cavité.
D'urgence, celle-ci doit être à nouveau vidangée.
- La vache ! Oui, oui ! C'est très impressionnant ! Ça a changé.
L'année dernière, c'était encore épais.
Le trou n'était pas apparent.
Mais cette année, ça s'est découvert, car il y a eu beaucoup de fonte.
- Pour vidanger les 14500m cubes d'eau un système de pompe a été installé.
Il est capable d'évacuer 1000m cubes d'eau par jour.
L'eau vidangée est reversée sur le glacier géant de Bionassay, sans risques pour les populations.
- A chaque vidange, on observe que le volume de la cavité se réduit.
On peut espérer que, dans l'avenir, ça va se réduire encore.
On injecte un colorant bien rouge dans la crevasse supérieure, dans la partie amont du glacier.
Le but est de comprendre la circulation de l'eau du glacier et de connaître le lieu de provenance de l'eau qui arrive dans la cavité.
- Malgré la petite taille du glacier, l'eau colorée mettra 12h pour rejoindre la cavité.
Sa tuyauterie s'avère très compliquée.
Peu de temps après, une nouvelle poche d'eau est apparue.
La partie est donc loin d'être gagnée.
Avec le réchauffement climatique, ce type de phénomène risque de se multiplier à l'avenir.
Nous allons assister à l'agonie des 1eres victimes : les glaciers de moins de 3500m.
L'impact économique et géologique de leur disparition annoncée sera probablement significatif, dans les années à venir.
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